L'appel du désert
Extrait de « les
avenues de la foi »
MATTHIEU XI, 7-11
Le
désert ! Pour nous, Occidentaux, c'est la stérilité, la menace de la faim, de
la soif et de la mort. Pour les Israélites, c'était cela, et c'était encore
bien autre chose. Après avoir quitté la Chaldée, Abraham, le Père des Croyants,
était devenu fils du désert. C'est au désert que Jacob avait renouvelé son
alliance avec Dieu. C'est au désert que plusieurs prophètes ont renouvelé leur
vocation. Ce lieu de détresse et de privations, Israël le peuplait de grands
souvenirs : épreuves, délivrance et révélations.
Le désert
! Israël en prend parfois le chemin, lorsque quelque apparition extraordinaire,
comme celle du Baptiste, l'y appelle ou lorsque, entraîné par la ferveur, il
suit les traces du Sauveur lui-même.
Le désert
devient ainsi le symbole de l'exceptionnel, de ce qui rompt le train ordinaire
de la vie. Arraché au terre à terre, Israël regarde, Israël écoute. Il prête
l'oreille aux voix qui lui parlent de sa destinée, il lève les yeux vers des
horizons meilleurs, jusqu'à ce que, rappelé par les nécessités de l'existence,
il reprenne la chaîne de ses habitudes.
«
Qu'êtes-vous allé voir au désert? » La question du Seigneur retentit jusqu'à
nous, mais si ce n'est plus le désert géographique qu'elle évoque, c'est encore
l'exceptionnel. C'est tout ce qui, au cours de l'existence, vient réveiller dans
nos âmes les graves questions de la vie, de la mort, de notre sort et de notre
destinée. Quelle que soit la force des habitudes, et quelque empressement que
nous apportions à chasser l'éternel souci, il y a toujours des événements pour
nous ramener au désert, c'est-à-dire pour nous plonger dans l'effroi ou nous
rafraîchir de quelque noble espérance.
L'effroi
nous saisit quand nous sentons tout à coup la fragilité de ce qui faisait notre
assurance ; et l'espérance se lève aussi, lorsque, face à face avec notre
destin, nous percevons la grande Présence qui s'affirme dans le silence et dans
la solitude. Lorsque les voix de la terre se taisent momentanément pour nous,
une autre voix nous parle que nous ne voulons pas toujours écouter, et qui,
comme le désert pour Israël, nous apporte des révélations salutaires.
«
Qu'êtes-vous allé voir au désert? » Vous qui vous donnez tant de peines pour
vous libérer de la chaîne des heures et des jours, pour vous distraire des
obligations qui pèsent sur votre vie, qu'êtes-vous allé voir au désert? Vous
que la maladie a arraché pour un temps, pour un long temps peut-être, à votre
comptoir, à votre bureau, à votre travail, et qui sait? à votre famille, vous
qui avez eu la visite exigeante et isolante de la douleur, qu'êtes-vous allé
voir au désert? Et vous que le deuil a frappé, qui avez vu la mort mystérieuse
emporter quelque être cher, vous dont elle a secoué la torpeur, qu'êtes-vous
allé voir au désert? Et vous qui avez vécu ces moments si émouvants de la vie
familiale, ou le premier-né vient au monde, où l'aïeul décline et s'en va, ou
bien ces orages qui s'appellent les épreuves, ou ces cheminements vers la
solitude qui proviennent des malentendus tenaces et parfois irrémédiables, qui
nous font mesurer par moment le terrible isolement où Jésus s'est avancé vers
la croix, dites, qu'êtes-vous allé voir au désert?