Le repos dans la croix
(Steinberger : petites lumières)
L'Eternel dit à Noé, entre dans l'arche... puis
l'Eternel ferma la porte sur lui. (GENESE 7)
Comme Noé entra dans l'arche, il nous faut « entrer
» dans la croix. Dieu peut alors fermer la porte sur nous comme il la ferma sur
Noé ; ce dernier n'avait pas à la tenir fermée du dedans, Dieu s'en chargeait.
Nous n'avons pas davantage à retenir anxieusement le pardon de nos péchés qui
est scellé en nous par l'Esprit (Eph. 1. 13).
Plusieurs ont perdu la joie et l'assurance du salut
pour n'avoir pas accepté que la croix fasse autre chose que couvrir leurs
fautes. Le but de la croix n'est pas seulement de couvrir nos fautes mais
encore de nous couvrir nous-mêmes; ce qu'il faut, ce n'est pas lui livrer nos
péchés seulement, mais nous-mêmes par dessus tout. Si véritablement nous
entrons dans la communion de la croix, le pardon de nos péchés va de soi. En
effet, si la croix me couvre, elle couvre aussi mon péché et toute ma honte.
Inversement, si elle ne peut me couvrir moi-même, elle ne peut pas non plus couvrir
mes fautes.
Il y a là une relation sacrée et nul n'a le droit
d'en rien arracher. C'est pourtant ce que nous faisons lorsque nous n'attendons
de la croix que la rémission de nos péchés et non la mort et la condamnation de
notre vie propre. Nous voudrions mettre une limite là où l'Esprit n'en met pas
et nous arrêter là où il ne s'arrête pas. C'est ainsi que nous contristons
l'Esprit et que nous perdons le témoignage de son approbation. L'Esprit
conduisit Jésus à la croix; il n'a point pour nous d'autre chemin. Jamais vous
ne pourrez séparer l'Esprit de la croix.
Pour entrer dans le pays du repos, Israël dut
traverser le Jourdain, le fleuve de la mort ; il n'y avait pas d'autre chemin.
Dieu avait dit : « Lève-toi et franchis ce Jourdain ». Ils durent y descendre,
le traverser, et non voler par dessus.
Il nous faut entrer dans la pratique de la croix,
non pas nous en dispenser «par la foi» comme plusieurs tentent de le faire. De
là les nombreuses déceptions, la perpétuelle recherche du repos promis, de la
victoire annoncée. On périt dans le désert de la vie propre; on est un tourment
pour soi-même et pour autrui, parce qu'on n'est pas «entré» dans la croix pour
y rester crucifié avec Christ.
Si au contraire, nous nous réfugions dans la croix
comme Noé dans l'arche, elle maintient une barrière entre nous et le péché.
L'arche était une séparation entre les sauvés et la mort qui régnait tout
autour ; c'est ainsi que la croix nous sépare de la perdition. Une puissance de
salut, d'affranchissement et de protection s'y trouve cachée. L'intimité de la
croix nous en fera faire l'expérience car ceux qui restent d'heure en heure à
l'ombre de la croix sont comme à l'ombre du Tout-Puissant ; ils se trouvent
dans une sphère où l'ennemi est terrassé, la tête écrasée sous leurs pieds.
L'arche séparait les sauvés, non seulement de la
destruction mais aussi des hommes. De même, la croix nous sépare de l'homme, du
vieil homme, du moi. L'affranchissement de nous-mêmes, voilà le rôle véritable
et le sens le plus profond de la croix. Dieu ne pouvait remédier à notre vie
propre que par la croix. Qui dit croix, dit malédiction et mort.
L'arche avait en haut une fenêtre par laquelle Noé
restait en relation avec Dieu : c'est l'image d'une autre bénédiction que
comporte la croix. Nous ne pouvons demeurer en relation avec En Haut qu'aussi
longtemps que nous vivons séparés de ce qui est en bas. Et il faut que cette
rupture s'étende à toute pensée, à tout mouvement du coeur qui ne supporterait
pas Sa lumière. A l'égard de tout ce qui n'est pas divin il nous faut vivre
dans un isolement pareil à celui de Noé dans l'arche. S'il y avait eu dans
l'arche la moindre fissure qui laissât passer l'eau, Noé n'aurait plus pu
poursuivre en paix sa communion avec le ciel. Le péché s'infiltre dans le coeur
aussi aisément que l'eau dans un navire. Et si nous ne sommes pas constamment
gardés au dehors contre le péché « qui nous enveloppe si facilement» et
au-dedans contre nous-mêmes, il ne nous est pas possible de rester dans la
douce communion avec le ciel. Car chaque fois que nous retournons à nous-mêmes
et renouons les relations avec notre « moi », nous rompons dans une certaine
mesure la communion avec En-Haut.