par Paul Vandenbrœck (Radio réveil 1978)
« La Parole était dans le monde (la Parole faite chair: Christ), et le monde a été fait par elle, et le monde ne l'a point connue.
Elle est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue. Mais à
tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le
pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Prologue de
l’Evangile selon Jean, ch. 1, versets 10-12).
Ces mots,
nous les connaissons bien. Ils font partie de nos lectures bibliques de Noël.
Ils nous sont tellement familiers, ils sont tellement liés au décor de la
fête, qu’ils ne parviennent plus, ou si peu, à retenir notre attention.
Et chaque
fois que revient Noël, c’est la même chose. Une détente de quelques jours, oui,
une agréable parenthèse dans la routine: les bons vœux, les
retrouvailles en famille, les traditions émouvantes,
l’attendrissement de circonstance... Mais la substance de Noël, sa
raison d’être en soi, qu’il est difficile d’en faire l’objet de
notre réflexion ! Quelques feuillets tournés au calendrier,
Noël passe... Noël est passé... Tout rentre dans l’ordre, comme on dit.
Mais est-ce vraiment de l’ordre? Noël passe et s’estompe dans les brumes de la
mémoire, et son souvenir, ce sera peut-être ceci : «Tiens, cette année-là,
on avait fait le réveillon chez un tel.» Ou bien : «C’était le Noël où oncle
Henri était venu passer trois jours à la maison.» Ou bien encore: «Oh oui!
Je me rappelle, il faisait exceptionnellement doux pour la saison».
Ainsi,
Noël, ça se range bien proprement, comme les garnitures du sapin, jusqu’à
l’année suivante; et aussitôt, la grisaille quotidienne reprend ses droits.
Les «temps modernes» remontent bien vite notre mécanisme d’automates;
et nous voilà repartis pour 360 et quelques jours de bons et loyaux
services aux dieux «Travail» et «Loisirs» qui se partagent nos faveurs !
Alors,
Noël n’aurait-il vraiment servi à rien? Du moins à rien de durable, de
permanent? Serait-il possible que Noël puisse me laisser exactement pareil à
ce que j’étais hier? Mais si Noël ne change rien en moi, si tout cela
me laisse intact, tel que j’étais avant, alors à quoi cet anniversaire peut-il
bien servir?
Un
chrétien du XVIIe siècle faisait déjà la même réflexion. Angélus Silesius,
c’était son nom, disait: «Vois-tu,
Jésus-Christ pourrait naître 1000 fois encore à Bethlehem, s’il n’est pas né en
toi, tu es perdu».
Ainsi
donc, il faut que quelque chose se passe en moi, dans mon être intérieur; il faut que l’événement de Noël se
produise dans ma vie pour que Noël ait son sens... Oui voilà ce qui
peut faire toute la différence! Il faut que je sois directement et
personnellement concerné...
Mais
encore, que peut bien signifier, pratiquement, concrètement, cette ahurissante
perspective? Comment Jésus-Christ pourrait-il naître en moi?
Ah! c’est
étonnant, cela: les mystères de la foi sont liés aux mystères de la vie! La
naissance physique a ses pendants au niveau de la vie spirituelle: Il faut
que vous naissiez de nouveau, disait Jésus au vieux Nicodème. Silesius y
fait écho: Jésus-Christ pourrait naître 1000fois encore à Bethlehem, s’il
n’est pas né en toi, tu es perdu! Et l’apôtre Paul, lui, voit les choses
de même, mais sous un angle différent. Il dit: Vous êtes morts
et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Il dit aussi : Désormais, ce n’est plus moi qui vis, c’est
Christ qui vit en moi.
La
naissance, la vie, la mort, tels sont les jalons fondamentaux de l’expérience
existentielle. Il n’en va pas autrement pour l’expérience de la foi. Sous
quelque forme qu’elle s’exprime, c’est la condition sine-qua-non pour
que quelque chose se passe: «Je dois naître de nouveau... Il faut que
Jésus-Christ naisse en moi, qu’il soit formé en moi, pour qu’il croisse et
que je diminue... Il faut que ma vie soit cachée avec le Christ en Dieu
et qu’ainsi Christ soit ma vie!»
Finalement,
c’est toujours la même affirmation, quelles que puissent être les nuances, et
je me prends à penser, sur le même ton que Nicodème: «Comment un homme déjà âgé peut-il naître de nouveau?»