Adolphe
MONOD « Saint Paul »
La conversion, qu’est-elle ? A cette
question, la conversion de Saul répond par des faits. Notre texte ne nous dit
nulle part : Saul se convertit ; mais il nous le montre faisant des œuvres
toutes nouvelles, et nous laisse le soin de conclure que son cœur a été
changé. Il ne faut, pour reconnaître ce changement, que se rendre compte
de ce qu’il était avant sa conversion, et de ce qu’il est après. Après :
Paul, un apôtre de Jésus-Christ, de tous les apôtres celui qui a travaillé
le plus, et celui qui a offert dans sa personne le modèle le plus accompli
de foi et de vie chrétienne ; avant : Saul, « un blasphémateur, un
persécuteur, un oppresseur », ne laissant d’autre ressource à la grâce «
que l’ignorance » où l’entretenait « son incrédulité »...
La
conversion n’est pas seulement une réforme de conduite. Nous ne voyons pas qu’il y ait eu rien à reprendre
dans la conduite de Saul. Il en appelle hardiment au témoignage de tout
son peuple, pour « la vie qu’il a menée dès sa jeunesse ». Nous ne
saurions donc nous le représenter autrement que réglé dans ses mœurs, honnête
dans les affaires, exact dans les sacrifices de la piété, libéral dans
ceux de la bienfaisance, en un mot honoré et honorable. Mais avec tout
cela, Saul était encore Saul, et Paul n’avait pas commencé.
La
conversion n’est pas seulement une soumission, même intérieure, à la loi
morale. Nous ne pouvons douter que
Saul ne fût, dans le sens intime et élevé du mot, un homme moral,
subordonnant la volonté propre au devoir, jusqu'au renoncement et au
sacrifice. Il se rend le témoignage, en écrivant aux Philippiens, que « quant à la justice de la Loi, il
avait été sans reproche » ; et ce n’était pas peu de chose, pour le
Juif consciencieux et croyant, que cette justice de la Loi, « ce joug pesant, dit Saint Pierre, que
nous ni nos pères n’avons pu porter ». Mais avec tout cela, Saul était
encore Saul, et Paul n’avait pas commencé.
La
conversion n’est pas seulement l’acceptation, même sincère, de certains
principes religieux. Saul était
Israélite croyant, juif zélé, pharisien rigide, vrai entre les vrais; soumis
aux Écritures, servant le vrai Dieu, espérant au Messie, également
scrupuleux à observer toutes les ordonnances de Moïse et ardent à les
défendre. Mais avec tout cela, Saul était encore Saul, et Paul n’avait pas
commencé.
La
conversion n’est pas même un développement graduel, une amélioration
progressive de toutes les bonnes
dispositions que nous venons de reconnaître à Saul. Elles auraient eu beau
se développer, beau s’améliorer, fût-ce pendant un siècle : elles
n’auraient jamais pu donner que ce qu’elles contenaient en germe ; Saul
n'aurait fait que continuer Saul, et Paul n’aurait jamais commencé.
LA
CONVERSION EST LE POINT DE DÉPART D'UNE VIE NOUVELLE, contraire à l’ancienne dans sa direction générale :
c’est ce qu’indique le nom même dont elle se nomme, puisqu'il marque
un retour et un revirement de chemin. Par elle, Saul ne devient pas meilleur, mais il devient autre ; il n’est pas
plus fidèle qu'autrefois à ses principes, mais ses principes ont changé
; ce qu’il tenait pour mal, il le tient pour bien ; ce qu’il appelait
lumière, il l’appelle ténèbres ; il fait l’expérience personnelle de ce
qu’il devait exprimer si énergiquement plus tard : « Si donc quelqu'un est en Christ, c’est une nouvelle création ;
les choses vieilles sont passées, voici, toutes choses sont
faites nouvelles ». C’est qu’un germe nouveau, inconnu, étranger, a
été déposé au fond de son être : ce germe, c’est la foi en Jésus, le
Christ, le Fils de Dieu. Désormais, ce qu’il cherchait dans la loi, il ne
le cherche plus que dans la grâce ; ce qu'il attendait de sa justice
propre, il ne l’attend plus que de la justice de Dieu en Jésus-Christ.