Par Roland de Pury (Realités de la Foi 1992.03)
Dieu aime Job et se réjouit de l’amour de Job.
Et même, Dieu a besoin d’entendre louer celui qu’il aime. As-tu
remarqué mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil... Mais Satan refuse de
partager cet enthousiasme. Il ne va pas contester le service, la piété, la
justice de Job, mais bien la valeur de ce service et de cette piété. Il ne
va point accuser Job de crimes, de fautes, de méfaits, ni même
d’hypocrisie, ce serait peine perdue. Il va l’accuser simplement
d’avoir une arrière-pensée. Il va mettre sur toute sa fidélité le point
d’interrogation le plus insidieux, le plus venimeux. «Est-ce donc
pour rien que Job te sert ?» (ou de manière désintéressée). Est-ce
vraiment toi qu’il aime, ou ton argent, ta puissance, tes bienfaits,
ton titre ?
Pour rien! ces deux mots sont la clé du livre de
Job, le fil conducteur de toute l’Écriture. On peut les traduire autrement
et mettre: gratuitement! ou: par amour! Car l’amour n'est très exactement
rien pour celui qui n’aime pas, et l’on retrouvera la question de
Satan dans la bouche de tous ceux qui s’étonnent de l’absence de
raisons de l’obéissance chrétienne. Satan conteste la possibilité de
ce rien, de cette gratuité. Il défie Dieu d’être parvenu à créer cet
amour au cœur de l’homme. Il parie qu'il n'existe sur la terre aucun homme
qui aime Dieu et qui, par conséquent, lui appartienne vraiment. Dieu est
entouré de courtisans, non pas d'amis. Et les courtisans de Dieu sont en
fait les serviteurs de Satan. Si Job ne sert pas Dieu pour rien, c’est
Satan qu'il sert. Le procès de Job aura donc pour but de mettre en
évidence à qui Job appartient.
Nous jugeons scandaleux que Dieu ne réponde pas
lui-même à la question du Diable. Car nous sommes sûrs que Dieu
pourrait, de cette manière, le convaincre et le vaincre. Or, l’Esprit
Malin ne se laisse pas impressionner par des moyens extérieurs ou des
affirmations péremptoires. Une réponse directe de Dieu serait sans
pouvoir sur lui. Il faut que Job réponde et seule cette réponse
pourra le vaincre. Car Satan ne peut être vaincu que par un plus faible
que lui, par Job dans sa faiblesse et non par Dieu dans sa puissance.
C'est du moins ce à quoi devrait nous rendre attentifs l’acceptation
par Dieu du défi de Satan: il faut que Job soit éprouvé. Il le faut
parce que Satan ne peut être convaincu autrement. Le Malin n'est pas
un pouvoir de ce monde qu'un pouvoir plus fort écrase, un croiseur de
vingt-cinq mille tonnes que surclasse un croiseur de quarante mille
tonnes. Il est un pouvoir spirituel qui ne peut être exorcisé et
anéanti, «précipité» (comme dira l'Apocalypse), que par un pouvoir
d’une autre dimension; le pouvoir d'un amour absolu révélé dans l’épreuve
absolue.