Par
Eric Denimal (Christianisme N° 276/1990)
À la sortie
d'un culte, une petite fille demande au pasteur: «Qu'est-ce que tu vas faire
avec les cinquante centimes que papa a mis à la collecte?» Vous imaginez
les couleurs par lesquelles est passé le père! Nous connaissons tous
beaucoup d’histoires sur les collectes, les quêtes, les offrandes et
c’est d'ailleurs un moment différemment vécu dans les églises. On
passe rapidement dans les rangées un panier, ou une «chaussette» au
bout d'un long manche, ou encore, plus discret, un tronc est à la
sortie. Parfois, le trésorier vous attend juste avant la poignée de main
du pasteur, sur le perron du temple... Dieu et Mammon, couple
impossible. Mais qui poussera l'hypocrisie jusqu'à dire que l'Église est
bien au-dessus de ces détails matériels, elle qui sollicite sans cesse ses
membres, perpétuels donateurs?
Dans certaines communautés, on
ne parle jamais d’argent, laissant juste une petite place de quelques
minutes par an, lors de l'Assemblée générale, au trésorier qui, pendant douze
mois, s'est «dépatouillé» avec des chiffres et des absences de chiffres. «On»
lui fait confiance. «On» le remercie bien. Et à l’année prochaine.
Dans d'autres communautés, on en parle si souvent qu'une certaine
oppression existe. Les références à l'Ancien Testament et à la pauvre
veuve qui donne son nécessaire sont souvent invoquées. Les habitudes
sont variables chez les donateurs aussi: ici on ne compte pas, là on
calcule. Là on plafonne à 3% pour atteindre ce qui sera défalqué des
revenus imposables, ici on va jusqu’à 10% pour répondre aux normes
bibliques de la dîme. Là, on associe don à cotisation, ici on fait la
différence entre dîme, offrande et sacrifice. Là on donne toujours
aux mêmes, ici on s’informe et on diversifie. Là on centralise tout,
ici on sème à tous vents...
Quelle responsabilité et quelle angoisse.
C'est parfois dans de telles situations qu'il vaut mieux, non seulement que
notre main droite ne sache pas ce que fait la gauche, mais que
personne ne sache... Combien vais-je donner à l’Église, c’est-à-dire
- tout de même! - à l’œuvre de Dieu? Vais-je me laisser influencer par le
récit pathétique d’un missionnaire venant d’ailleurs? Vais-je donner
selon la qualité du message du pasteur?... Vais-je me dire que si
tout le monde donnait autant que moi...? Le problème reste entier. S'il
n'est pas bon que l'Église soit trop riche, il n'est pas bon non plus
qu’elle soit trop pauvre. Et cet équilibre se fera lorsque nous
aurons répondu à plusieurs questions. Dieu ne nous a-t-il pas tout donné?
N’avons-nous pas été rachetés à un grand prix?
Si le salut est gratuit, n'a-t-il rien coûté? Que serait l’Église aujourd'hui si le partage n’avait pas été vécu?
Si je ne suis pas en mesure de donner de mon nécessaire, est-ce que je donne au moins mon superflu?
Est-ce que mon attitude à l’égard de l'argent m’encourage dans la foi et stimule ma dépendance de Dieu?
Au moment de la collecte, où va mon regard? Donner ne doit jamais être autre chose qu’un acte de reconnaissance.