lundi 15 février 2021

INCARNATION INSPIRATION

 


Ruben Saillens (Lien fraternel 1914/6)


Par l'incarnation, nous entendons la venue en chair de la seconde personne de la Trinité : la Parole. (Jean 1/1)


Par l'inspiration, nous entendons un don spécial du Saint-Esprit accordé aux prophètes et aux écrivains de l'Ancien et du Nouveau Testament, et qui communique à leurs écrits le caractère de Parole de Dieu. C'est sur ces deux faits, en quelque sorte connexes, puisque l'un et l'autre ont pour objet la Parole, que repose la foi chtienne.


Le principal de ces deux faits est, évidemment, l'incarnation, puisqu'elle est la manifestation absolue et définitive de la Parole.


Mais l'inspiration est d'une importance infinie, puisque, sans elle, les hommes d'autrefois, n'auraient pu connaître et adorer par la foi Celui qui devait venir, et que nous-mêmes ne pourrions connaitre avec certitude Celui qui est venu.


On peut aller à l'Incarnation par la révélation écrite, c'est-à-dire, à Jésus- Christ par la Bible; on peut aussi aller à la Bible par Jésus-Christ. Les deux méthodes sont légitimes. Jésus étant la Parole faite chair, et la Bible étant la Parole faite livre, ce sont deux facteurs de même nature, et l'on peut intervertir leur ordre: le résultat sera toujours le même.


La première méthode convenait spécialement aux Juifs. Peuple des Ecritures, ils croyaient en elles, pour ainsi dire dès leur naissance; ils pouvaient différer dans leur interprétation (Pharisiens, Sadducéens), mais pour eux, le texte faisait loi. On sait avec quel soin méticuleux ils ont conservé ce texte; de quelle superstition, même, beaucoup l'entouraient. Pour eux, les Ecritures étaient inspirées jusqu'à l'iota et au trait de lettre. Ils n'en comprenaient pas toujours l'esprit, mais ils ont été fidèles les à leur mandat : "c'est à eux, en effet, qutaient confiés les oracles de Dieu." (Rom 3/2).


Aussi voyons-nous le témoignage des apôtres et des chrétiens primitifs, s'adressant aux Juifs, tout un tissu de citations bibliques (Pierre dans ses divers discours ; Etienne mourant; Paul aux Juifs dans la Synagogue). De même, .Jésus, et cela après sa résurrection, c'est-à-dire à un moment où, désormais, sa divinité a revêtu les caractères définitifs de l'évidence, Jésus s'attache, sur le chemin d'Emmaüs, à persuader ses interlocuteurs Juifs en recourant uniquement aux témoignages scripturaires. « Commençant par Moïse et continuant par tous les prophètes, il leur expliqua, dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait. » Luc 24/27).


La seconde méthode convenait mieux pour les Gentils. Ne connaissant pas les Ecriture juive, ils ne pouvaient d'emblée en reconnaitre l'autorité. Aussi, est-ce à 1eur conscience que Paul fait appel, dans les rares occasions où ses discours aux païens nous aient été conservés: (Actes 14/15-18; 17/22-31). Par la conscience il les amène à Christ; plus· tard, ces disciples seront conduits du Christ aux Ecritures.


Mais cette distinction n'est pas absolue. L'appe1 à la conscience peut fort bien se combiner avec l'appel aux Ecritures. Il existe un accord profond entre ces deux formes de la révélation divine; cet accord prouve leur origine commune. "L'Evangile, a dit Vinet, est la conscience de la conscience."


Dans notre monde christianisé, nous nous trouvons en présence d'âmes hybrides. Elles ont, comme les .Juifs d'autrefois, une certaine connaissance des Ecritures; mais elles sont restées païennes dans leur manière de penser et de vivre. Chez les catholiques, l'Eglise et la tradition sont au-dessus de la Bible; chez nombre de protestants, c'est la conscience individuelle, la science, que sais-je?


Aussi, en nous adressant à nos populations, faut-il faire appel aux consciences, en même temps que l'on cite le Livre saint.


Par une étrange aberration, on oppose aujourd'hui la Parole faite chair à la Parole écrite.


Prétendant être fidèle à l'esprit du Christ; on rejette, au moins en partie, la lettre de Ecritures. Pourtant, le bon sens indique bien que l'un ne va pas sans l'autre. Les paroles des prophètes annonçant le futur Messie ne peuvent être que surnaturelles. Et ceux qui les ont rejetées, ont aussi rejeté le Christ. Dieu a parlé par se serviteurs, ensuite par son Fils: il y a progression dans le message, mais c'est toujours le message divin. (Matt.21/33-42 ; Hébreux 1/1-2.)


Nous voudrions montrer que ces deux mystères de notre foi: l'Incarnation et l'inspiration, sont inséparables ; qu'en acceptant le premier, il faut, logiquement, accepter le second, et qu'il faut les croire tous deux avec la même plénitude.


Qui diminue la Bible, diminue le Christ. Qui touche à la Bible, touche au Christ. Qui tient la Bible pour un livre comme un autre, en arrivera nécessairement à tenir le Christ pour un homme comme un autre.


Le Christ surnaturel et le Livre surnaturel forment un tout.