lundi 5 avril 2021

UN OEUF DE PAQUES PAS COMME LES AUTRES

 

Ida Mae Kampel (Realités de la Foi 1995.02)


 Jérémie est né dans un corps difforme, et attardé mentalement. À douze ans, il était encore en deuxième année d’école primaire et paraissait incapable d'étudier.

Il irritait constamment son institutrice. Il se tortillait sur son siège, bavait et poussait des grognements. Parfois, il parlait clairement et distinctement comme si un rayon de lumière avait pénétré les ténèbres de son cerveau.

Un jour, l'institutrice demanda aux parents de Jérémie de venir la voir à l’école. Lorsqu'ils s’assirent sans bruit dans la classe vide, l’institutrice leur dit:

— Jérémie devrait absolument aller dans une école spécialisée. Ce n’est pas juste qu’il soit avec des enfants plus jeunes que lui et qui n’ont aucun problème pour étudier. Il y a quand même cinq ans de différence entre lui et les autres élèves.

La maman de Jérémie pleura doucement dans son mouchoir et son mari prit la parole:

— Mademoiselle, il n’y a aucune école de ce genre dans les environs. Jérémie serait très choqué si nous devions le retirer de cette école. Nous savons qu’il aime vraiment cet endroit.

L’institutrice resta assise un très long moment après le départ des parents de son élève, tout en regardant fixement la neige au-dehors. Le froid semblait s’infiltrer dans son âme. Elle désirait sincèrement sympathiser avec ces gens-là. Après tout, leur enfant souffrait d'une maladie mortelle, mais ce n’était pas juste de le garder dans sa classe. Elle devait enseigner dix-huit élèves plus jeunes que lui et Jérémie était une source de distraction. Pourquoi continuer à perdre son temps?

Comme elle réfléchissait à la question, un sentiment de culpabilité l’envahit, «Oh! Seigneur, dit-elle tout haut, je suis encore en train de me plaindre, alors que mes problèmes ne sont rien, comparés à ceux de cette pauvre famille. Aide-moi, s’il te plaît, à être plus patiente avec Jérémie!»

À partir de ce jour-là, elle essaya vraiment d’ignorer les bruits de Jérémie et son regard sans expression. Un jour, il s’approcha de son bureau en boitant, traînant sa mauvaise jambe derrière lui.

— Je vous aime. Mademoiselle! s’exclama-t-il assez fort pour que toute la classe l’entende.

Les autres élèves rigolèrent et le visage de l’institutrice devint tout rouge. Elle balbutia:

— M... Merci, c’est très gentil, Jérémie, mais main... maintenant, retourne à ta place, s’il te plaît!

Le printemps approchait et les enfants étaient fous de joie à la pensée de la fête de Pâques qui approchait. L’institutrice leur raconta l'histoire de Jésus et, pour souligner l’idée de la «nouvelle vie», elle donna à chaque enfant un gros œuf en plastique.

— Maintenant, leur dit-elle, je veux que vous emportiez ceci à la maison et que vous le rapportiez demain après avoir mis dedans quelque chose qui exprime pour vous une nouvelle vie. Comprenez-vous?

— Oui, Mademoiselle! répondirent les enfants débordants d’enthousiasme.

Tous, excepté Jérémie! Il écoutait très attentivement, et ses yeux ne quittaient plus le visage de l'institutrice. Il ne fit même pas ses bruits habituels. Avait-il compris ce qu’elle avait dit sur la mort et la résurrection de Jésus? Avait-il compris son devoir? Peut-être devrait-elle téléphoner à ses parents et leur expliquer le projet!

Ce soir-là, l’évier de la cuisine de l’institutrice se boucha. Elle téléphona à son propriétaire et attendit une heure avant qu’il vienne. Après cela, elle avait encore des courses à faire, une blouse à repasser, et un contrôle de vocabulaire pour le lendemain. Elle oublia de téléphoner aux parents de Jérémie.

Le matin suivant, dix-neuf enfants vinrent à l’école en riant et en parlant, et tous placèrent leur œuf dans le large panier qui était sur le bureau de l’institutrice. Après la leçon de mathématiques, le temps d’ouvrir les œufs arriva.

Dans le premier œuf, l’institutrice trouva une fleur.

— Oh oui! dit-elle, une fleur, c’est certainement le signe d’une nouvelle vie. Lorsque les plantes sortent de la terre, nous savons que le printemps est là.»

Une petite fille de la première rangée leva la main et cria:

— C’est mon œuf, Mademoiselle!

L’œuf suivant contenait un papillon en plastique qui paraissait réel. L’institutrice le souleva et dit.

— Nous savons tous qu'une chenille change, grandit et devient un papillon magnifique.

Oui, cela est aussi une nouvelle vie.

La petite Aurélie sourit fièrement et dit:

— Mademoiselle Meunier, cet œuf-là, c’est le mien!

L’institutrice trouva ensuite un morceau de rocher recouvert de mousse. Elle expliqua également que la mousse parlait de la vie. Benjamin cria du fond de la classe avec son visage rayonnant:

— Mon papa m’a aidé!

L'institutrice ouvrit le quatrième œuf, elle retint son souffle. L’œuf était vide. Elle se dit que ce devait être l’œuf de Jérémie et qu’il n’avait sans doute pas compris les instructions. Si seulement elle n’avait pas oublié de téléphoner à ses parents! Afin de ne pas l’embarrasser, elle mit doucement l’œuf de côté et avança sa main pour prendre un autre.

Soudain, Jérémie parla et dit:

— Mademoiselle, vous ne voulez pas parler de mon œuf?

Troublée, elle lui dit:

— Mais, Jérémie, ton œuf est vide!

L’enfant la regarda alors dans les yeux et lui dit doucement:

— Oui, mais la tombe de Jésus était vide aussi!

Le temps sembla s’arrêter. Lorsqu’elle put reparler, l’institutrice lui demanda:

— Sais-tu pourquoi la tombe était vide?

— Oh oui! répondit-il, Jésus a été tué et mis dedans. Et après son Père l’a ressuscité!

La cloche annonçant la récréation sonna. Dès que les enfants furent sortis de la classe pour aller dans la cour, l’institutrice se mit à pleurer. Le froid intérieur se dissipait complètement.

Trois mois plus tard, Jérémie mourut. Ceux qui se rendirent à la morgue furent surpris de voir dix-neuf œufs au-dessus du cercueil. Tous étaient vides.

Mais l’ange dit aux femmes: Pour vous, ne craignez rien; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n’est point ici; il est ressuscité, comme il l’avait dit. (Matthieu 28/5-6)