Promesses
n° 27, Janvier-mars 1974
« Vous anéantissez la Parole de Dieu
par la tradition » [Marc 7:13)
Tout groupement humain, communauté ou nation, a établi
au cours de son existence, des règles de vie sociale, civile ou politique.
Ainsi se sont établies des coutumes et tout spécialement des traditions
religieuses ou empreintes de religion.
Malgré une position de départ unique en son genre, le
peuple juif n’a pas échappé à cette évolution. La Loi divine, reçue par
l’intermédiaire de Moïse, a été complétée par une masse importante de
traditions.
En général, on désigne les cinq premiers livres de la
Bible, soit le Pentateuque, comme étant la Loi du Dieu éternel et créateur. Ces
livres ont ainsi formé la constitution de l’Etat théocratique (dont Dieu exerce
l’autorité) d’Israël.
Cette loi était essentiellement spirituelle et morale. Elle réglait la vie de l’homme face à Dieu et face au prochain. Elle comprenait aussi certaines règles à observer, face aux nations voisines. Du haut des cieux, Dieu dirigeait, Dieu protégeait.
Les traditions dont nous parlons ci-dessus sont des règles, des
adjonctions humaines. On constate souvent que les traditions sont faciles à
suivre, plus faciles que l’obéissance à des lois morales ou spirituelles. Un
ensemble de traditions modulait la vie du peuple d’Israël. Les chefs du peuple,
les anciens, les scribes, surveillaient attentivement toute la population et
élevaient la voix à toute faute, à toute infraction aux coutumes admises, aux
traditions.
Or, l’Ancien Testament était fort précis à ce sujet.
Deut. 4:2 dit ceci: « Vous n’ajouterez rien à ce que je vous prescris, et
vous n’en retrancherez rien, mais vous observerez les commandements de
l’Eternel, votre Dieu, tels que je vous les prescris ». La même
recommandation se retrouve au ch. 12:32 : « Vous aurez soin de faire tout ce
que je vous commande ; vous n’y ajouterez rien, et vous n’en retrancherez rien
». La même pensée est encore présente au dernier chapitre de l’Apo.
22:18-19 : « Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de
ce livre: si quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu fera venir sur lui les
fléaux décrits dans ce livre. Si quelqu’un retranche quelque chose des paroles
du livre de cette prophétie, Dieu lui ôtera sa part de l’arbre de vie et de la
cité sainte décrits dans ce livre ».
Au temps de Jésus-Christ, le peuple juif était fortement attaché à la religion
de ses pères. Politiquement, ils étaient sous la domination d’une nation
étrangère, Rome. Or, pour cultiver leur cohésion, leur culture propre, pour
garder leur entité nationale, la majorité des Juifs se pressaient autour du
temple. Ils mettaient en pratique leur religion, adorant le vrai Dieu et
gardant jalousement leurs traditions. L’apôtre Paul leur rend ce témoignage « qu’ils
avaient du zèle pour Dieu » (Rom. 10:2). Mais, ajoute-t-il, « ignorants
qu’ils sont de la justice de Dieu, c’est leur propre justice qu’ils cherchent à
établir » (v. 3).
Au moment opportun, le Fils de Dieu, venu pour habiter parmi les hommes et
continuer l’œuvre divine, a confirmé la loi transmise par Moïse. « Ne pensez
pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes ». « Je ne suis
pas venu pour abolir, mais pour accomplir » (Mat. 5:17). Il a voulu,
il a tenu à se dégager de toute la tradition humaine. « Ne vous laissez pas
séduire par la philosophie et par ses vaines subtilités, inspirées des
traditions humaines et des principes du monde, et non des enseignements du
Christ » (Col. 2:8). II s’est trouvé en opposition avec l’église établie
tout au long de son ministère. Pourquoi ? parce qu’elle voulait lui imposer ses
règles, ses traditions. La rupture s’est située à ce point. En voici quelques
exemples :
Lévi
En Marc 2:15-22, nous assistons à l’appel de Lévi
(Matthieu) par le Seigneur. Tout joyeux, Lévi invite Jésus avec ses disciples
et tous ses amis, tant péagers que « pécheurs » (pour reprendre le terme de la
Parole). Le scandale, pour les scribes et les pharisiens, consistait dans le
fait que Jésus acceptait sans réserve, mais au contraire avec joie, de partager
le repas avec tout ce monde ! Un monde de gens au ban (à l’écart) de la société
: des réprouvés, des repoussés, des gens dont on se détourne… Dont la synagogue
ne voulait plus !
Jésus révèle la différence qu’il y a entre leur conception et son message. Ce dernier apporte la nouvelle de la rédemption, du paiement de la dette due par l’homme à Dieu. Il apporte le pardon aux pauvres, aux ignorants, aux délaissés. Il apporte un regard d’amour vers l’homme perdu, parce que condamné. Jésus maintient et confirme la valeur et la pérennité de la loi divine donnée par Moïse, tout en proclamant sa liberté d’annoncer le salut éternel au pécheur, mais en protestant contre les « fardeaux pesants » dont les chefs religieux « chargent les épaules des hommes » (Mat. 23:4).