Nous ne trouvons dans le Nouveau Testament que deux sortes d'affection. Le
chapitre 8 des Romains
oppose les choses de la chair aux choses de l'esprit ; et le chapitre 3 des Colossiens (
verset 2
) oppose les choses d'en haut à celles qui sont sur la terre. II paraît normal de rapprocher les choses de l'esprit des choses d'en haut, et les choses de la chair, des choses qui sont sur la terre. C'est en ce second groupe que prennent place les moyens d'action que le monde peut nous céder ; car, même si on regarde la technique comme neutre dans la distinction entre chair et esprit, son utilisation ramène à des préoccupations matérielles prenant le service que l'on se proposait de consacrer à Dieu. Ces préoccupations accaparent le temps, la pensée, l'intérêt, la volonté au profit du maniement des appareils, de leur installation et des préparatifs d'ordre scénique. Tous les soins vont à ces tâches exigeantes auxquelles on s'efforce d'apporter une habileté technique professionnelle.
L'affection est donc bien en direction des choses d'en bas, celles où l'homme naturel trouve son enthousiasme de réalisateur expérimenté ; celles où se situe sa profession, ou son violon d'Ingres. Le croyant qui, avec les bonnes raisons qu'il se donne, s'ingénie à servir Dieu uniquement en professionnel des moyens techniques, sollicite l'église vers un attachement aux choses d'en bas, et provoque sa mise en sujétion à l'égard de ces moyens. Ainsi engagée, l'Église avancera toujours davantage dans l'utilisation des arts et des techniques à différents niveaux professionnels. Elle aura son imprimerie, ses studios de radio et de télévision, ses magasins, son commerce avec l'équipement adéquat, sa publicité, ses ventes en promotion ; et au delà des écoles bibliques, elle aura des centres de formation pour la musique, le théâtre, la chorégraphie, la mise en scène, le maquillage, etc. Dans ces différents départements, étaient à l'oeuvre de véritables professionnels rétribués et engagés en raison de leurs compétences attestées. Il ne s'agit pas là de perspectives futures, car nous y sommes déjà. Nous avons nos artistes...
Nous ne voulons pas dire que l'Église doit s'interdire l'usage de certains appareils, comme la sonorisation, l'enregistrement des messages en vue de leur diffusion, les automobiles, etc. Toutefois ces moyens accessoires sont à contenir afin qu'ils servent discrètement, n'empiétant en rien sur le vrai service de Dieu, sur l'exercice des ministères et des dons, sur le combat de l'Église, et qu'on ne prétende jamais les considérer en tant que ministères, ou comme substituts de la puissance de l'Esprit-Saint. Dans le peuple de Dieu, qu'il y ait des gens habiles, certes, essentiellement en raison de leur foi ; mais qu'il n'y ait pas de professionnels rétribués sur la base de compétences et de diplômes. Si l'on pense devoir s'appuyer sur les ressources des hommes et du monde, il est absolument certain que l'on se fermera les écluses des cieux. Le Saint-Esprit n'accepte pas une telle collaboration : « Ce n'est ni par la puissance, ni par la force, mais c'est par mon Esprit dit l'Éternel des armées ! » (Zac 4.6) L'oeuvre de l'Église en sa totalité est une oeuvre surnaturelle, qui, sur la terre, n'entend utiliser que l'esprit, l'âme et le corps des hommes et des femmes nés de nouveau et revêtus de la puissance d'en haut. Dans le passé, quand l'Église se mit à construire des cathédrales dont on admire encore aujourd'hui la hardiesse et le style, son coeur était revenu au monde de la terre ; tous les moyens des arts étaient présents ; on servait le plaisir des yeux, des oreilles, on servait l'ambition, on servait l'orgueil, l'esprit humain de domination, on servait même le vice, mais on ne servait plus Dieu ! C'est sur la même pente fatale que nous recommençons à nous engager aujourd'hui.
La recherche de moyens substitutifs à portée de main naît immanquablement de l'appauvrissement en ressources surnaturelles dont l'Église se sent pâtir. Assurément l'on bute actuellement sur l'insuccès de nos efforts ; et c'est ou la stagnation ou le recul. La démographie poursuit sa course ascendante, et l'Église du Seigneur ne parvient pas à la suivre, loin de là ! Nous en ressentons tous une profonde affliction.
Que faudrait-il faire ? Nous le savons bien. Prier assidûment, mais non pas une heure par semaine dans la salle de culte, en petit nombre. Il faudrait soutenir avec persévérance le combat par une prière quotidienne, réunis en cellules de quelques-uns, par quartiers ou banlieues. Que de tels groupes soient appelés « cellules », « communautés de prière » ou « foyers d'accueil », peu importe, il s'agit de vivre la parole du Seigneur en Mat 18.19-20 : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux ». Ces petits groupements rattachés à l'Église locale dont ils sont l'étoffe lui apportent le seul concours de prière en commun efficace et réalisable, et constituent donc une force constante. Le volume de prière en commun demeure grandement insuffisant dans les Assemblées locales dépourvues de cellules ; la difficulté pour se déplacer et se réunir dans les grandes villes souligne encore cette utilité des cellules.
Que faudrait-il encore ? Entretenir la communion fraternelle qui est l'une des importantes composantes de la vie de l'Église. Celle-ci, étant le corps de Christ, possède le caractère d'une personne. C'est là ce que nous enseigne le Nouveau Testament : « nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres » (Ro 12.5) ; « qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres ; et si un membre souffre tous les membres souffrent avec lui... » (1 Cor 12.25-26) ; « C'est ici mon commandement : aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jean 15.12). La parole convie également les membres de l'église à s'exhorter les uns les autres, et même chaque jour (Heb 3.13). Tout cela n'est pas réellement vécu, n'est pas prêché, ni encouragé.
L'esprit de cette communion n'imprègne pas le coeur des chrétiens. Leur Assemblée, pour beaucoup d'entre eux, est le rendez-vous du dimanche matin ; pour d'autres qui assistent aux réunions de semaine, l'Assemblée procure une certaine union et la joie de se trouver unis entre frères et soeurs ; cependant que l'on reste encore loin de ce que devrait être la communion fraternelle des saints de l'Église, pour atteindre le niveau de la volonté divine exprimée par les Écritures. La plupart des chrétiens d'une même communauté se connaissent entre eux, s'ils ne sont pas trop nombreux ; ils se saluent plus ou moins après les réunions, et là s'arrête la communion le plus souvent. Quelle tristesse ! L'Évangile, là tout d'abord, n'est pas vécu. L'individualisme, par contre ne perd rien de ses profondes incrustations dans le coeur et dans les habitudes. L'hospitalité elle-même, pourtant recommandée, est abandonnée, à l'exception de quelques-uns pour qui elle reste une source de réjouissance. II y a donc lieu de reconstruire l'Église, corps de Christ, sur toutes ses bases, afin qu'elle soit agréable à Dieu. Ici encore les cellules favorisent cette communion.
Posons encore la question : que faudrait-il ensuite ? Tout simplement un renouveau de consécration dans le cadre particulier du foyer, et dans la vie courante de chacun. Tous ceux qui ont été justifiés par grâce devraient penser continuellement à leur besoin d'être sanctifiés sans cesse, d'achever leur sanctification dans la crainte de Dieu (2 Cor 7.1). Assurément, c'est Dieu qui sanctifie (esprit, âme et corps &endash; 1 Thes 5.23-24) ; Il sanctifie uniquement ceux qui s'offrent à l'action de son Esprit, en lui soumettant leur vie et leur personne, sans partage et avec persévérance. Dans chaque maison chrétienne notamment, le culte du soir devrait reprendre la place qu'on lui a fait perdre quand la foi s'est lassée, ou en raison du trop grand volume des occupations qui débordent la journée de labeur, ou enfin par suite de l'usurpation des heures du soir consenties à la télévision. Les « veilles » ou la « veillée » que le dictionnaire définit comme étant le temps s'écoulant entre le repas du soir et le coucher, étaient, fut un temps, entièrement consacrées au Seigneur ; maintenant elles lui ont été retirées. Pourtant comme quelqu'un l'a dit, le soir de la journée est le « dimanche » de la journée ! Comme c'est vrai ! Dieu voudrait que nous soyons à ce rendez-vous là. Comptons un peu les désobéissances que nous cumulons chaque jour. Relisons le Nouveau Testament dans cette recherche-là ; nous en serons étonnés. Il ne peut pas y avoir d'affermissement de la foi sans VIGILANCE. Relisons Luc 21.34-36 ; Marc 13.33-37. Jésus a insisté fortement sur l'injonction à tous ses disciples (je le dis à tous) : VEILLEZ ET PRIEZ ! Tant que cette consigne impérative du Christ restera lettre morte, l'église ne connaîtra ni réelle croissance, ni réveil. La vigilance appartient aux « oeuvres justes des saints ». La grâce de Dieu, si l'on sait ne pas s'en priver, permet d'y parvenir.