DEUX PAIRES D’YEUX
Revue « le réveil »
Le chrétien possède deux paires d’yeux;
il se sert tantôt de l’une tantôt de l’autre quand ce n’est pas des deux à
la fois.
Si les yeux que la nature lui a donnés
sont amplement suffisants pour lui faire voir les choses de ce monde, ils
ne peuvent en aucune manière lui représenter fidèlement les choses
divines; au contraire, ils les déforment au point que ce qui est lumière
devient ténèbres, et ténèbres lumière, le bien mal, et le mal bien.
Tant que l’homme se laisse conduire exclusivement par ses yeux naturels,
il vit une existence sans Dieu dans le péché et dans le monde.
Mais
Dieu a donné à son enfant une seconde paire d’yeux, les yeux de la foi grâce
auxquels il discerne les réalités, autrement invisibles, d’un monde tout à
fait différent, et ce qu’ils lui
font entrevoir ne sont jamais des illusions. En tant que chrétiens
nous sommes appelés à tenir fermés nos yeux naturels, nous en servant
pour les choses de cette vie seulement, et à tenir grands ouverts les
yeux de la foi.
Beaucoup de chers enfants de Dieu
croient qu’ils ne pourraient marcher sans se servir de leurs deux paires
d’yeux, ce en quoi ils se trompent lourdement. C’est là qu’il faut
chercher et pas ailleurs la cause des inconséquences de leur
conduite, de l’instabilité de leur marche, du manque de fermeté de leur
témoignage, de l’inquiétude de leur esprit.
Est-il besoin de mentionner l’objet sur
lequel doit se fixer le regard de la foi ? De qui
le champ de notre vision spirituelle doit-il être rempli ? De Dieu lui-même.
L’homme qui a toujours le Seigneur devant lui sera conscient, cela va
sans dire, des gens et des personnes qui l’entourent, mais
considérés à travers le prisme de l’œil de la foi, ils
lui apparaîtront dans une tout autre lumière. Prenez, par exemple, un
homme qui passe par une grande affliction : il vient de perdre une
fortune, une situation, un être cher. Vu par ses yeux naturels, son
malheur lui paraît injuste, insupportable, catastrophique; il murmure, il
s’agite, il perd sa communion avec Dieu, et sa peine en est aggravée d’autant.
Son voisin est atteint des mêmes
épreuves; seulement, au lieu de les considérer avec ses yeux naturels, ils les
regardent avec les yeux de la foi, et combien différentes elles lui
apparaissent ! Immédiatement la parole du psalmiste lui revient à l’esprit
: « Le Seigneur pense à moi ! »
(Ps. 40/18). Il se représente son Père céleste choisissant dans son
trésor particulier le gage d’amour dont son enfant a besoin à
cette heure, et il le lui envoie sous la forme de l’épreuve dont nous
parlions tout à l’heure. Doutera-t-il de la sagesse qui a dicté ce choix?,
de l’amour qui l’a inspiré ? Songera-t-il un seul instant à regarder
cette tribulation avec ses yeux de chair — ce qui le conduirait fatalement
à pécher contre Dieu ? Non, mille fois non ! La présence de son Seigneur à
ses côtés, l’assurance qu’il fait toutes choses bien, font que la
santé et la maladie, la prospérité et la pauvreté, la vie et la mort,
lui sont une même joie (Hab. 3/17-19). En fait, l’absence des
conforts matériels lui rend la présence de Dieu beaucoup plus sensible que
ne le ferait la possession des biens terrestres.
Mais lequel d’entre nous a appris à se
servir de sa seconde paire d’yeux avec une telle maîtrise ? Aucun, peut-être.
C’est pourquoi notre Père céleste, constatant l’inaptitude de son enfant à
marcher uniquement par la foi, lui accorde l’aide extérieure dont sa
faiblesse a besoin pour cheminer ici-bas, quitte à la lui retirer sitôt
qu’elle ne lui sera plus nécessaire. Ne sommes-nous pas enclins à
nous appuyer sur ce que nos mains peuvent toucher, sur ce que nos yeux
peuvent voir plutôt que de nous abandonner entièrement, absolument, à la
grâce toute suffisante du Seigneur ?
Deux paires d’yeux ! Les possédons-nous
toutes les deux ? Et si nous devions choisir, laquelle préférerions-nous ?
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